L’attachement à l’âge adulte

Par Laurence Lavallée, M. Sc., psychoéducatrice

L’attachement est un concept que l’on attribue généralement à l’enfance. Ce n’est pas sans raison puisque la théorie de l’attachement fut développée à partir d’observations d’interactions entre le parent et l’enfant. Cette théorie soutient que les premières relations que l’enfant entretient avec ses figures de soin forgera ses représentations de soi et d’autrui. Selon la nature des soins prodigués par le parent, l’enfant intégrera une vision positive ou bien négative de lui et de l’autre. Ces représentations intégrées influenceront par la suite son mode relationnel tout au long de sa vie. L’attachement représente donc un concept important dans l’enfance, mais aussi toute la vie durant.

Chaque adulte a en effet un style d’attachement qui influence ses relations sociales, ses relations amoureuses et sa parentalité, le cas échéant. Cet article vise à démystifier l’attachement adulte et à en décrire les impacts possibles dans les relations conjugales.

ON Y ABORDERA : 

  • Le développement de l’attachement
  • L’attachement adulte
  • Les impacts

Le développement de l’attachement

L’attachement se développe dans l’interaction entre l’enfant et ses figures de soin, généralement ses parents. La manière dont ces figures répondent aux besoins de l’enfant influence le développement de ses attentes par rapport à lui-même et aux autres, mais également de ses comportements en situation de détresse.

Lorsque les figures de soin répondent aux besoins de l’enfant de façon ajustée et cohérente, celui-ci développe une base sécuritaire qui lui permet d’explorer son environnement. L’enfant est alors capable de se détacher de ses figures de soin pour explorer son environnement de façon autonome, mais retourne vers elles pour obtenir du réconfort lorsqu’il vit de la détresse. Il a intégré que ses figures de soin sauront lui offrir une réponse ajustée à ses besoins. La réponse adéquate et sensible à ses besoins lui permet également d’intégrer qu’il a de la valeur et qu’il est digne d’être aimé. Ce type d’attachement est dit sécure.  

Les attachements insécures

Lorsque l’enfant ne reçoit pas une réponse cohérente, ajustée et consistante à ses besoins, il est à risque de développer un attachement insécure. Il intègre alors des représentations négatives de soi ou de l’autre. L’on note trois types d’attachement insécure : anxieux-ambivalent, évitant et désorganisé.

L’attachement anxieux-ambivalent se caractérise par une dynamique de réponse inconsistante aux besoins de l’enfant. Parfois, l’enfant obtient une réponse adaptée et sensible à ses besoins, parfois non. Ses figures de soin peuvent être tantôt sensibles, tantôt rejetantes ou insensibles. Cette inconsistance entraîne un état anxieux chez l’enfant qui ne peut avoir confiance en la réponse de son parent. Or, l’enfant cherche davantage de proximité avec son parent que de l’exploration. Il a tendance à être difficilement consolable ; la détresse exprimée en situation de déséquilibre paraît exagéré aux yeux de leur environnement.

L’attachement évitant se caractérise par une distance entre le parent et l’enfant. L’enfant gère sa détresse seul ; il a recours à son parent pour une réponse à ses besoins utilitaires. Il peut être qualifié d’autonome par son environnement puisqu’il s’occupe et s’organise seul. Il sollicite peu sa figure de soin pour obtenir du réconfort. L’enfant peut paraître déconnecté de ses émotions. Il peut afficher un affect relativement plat.

Enfin, l’attachement désorganisé se caractérise par une imprévisibilité de l’enfant. Ce type d’attachement se développe typiquement lorsque l’enfant vit des traumatismes relationnels, de la négligence, de la violence ou de la maltraitante. L’enfant adopte des comportements inconstants et imprévisibles tels que frapper son parent, le rejeter, prendre soin de lui, etc. Ce type d’enfants connaissent généralement des difficultés d’adaptation sociale et d’intégration scolaire.

L’attachement adulte

En continuité avec l’enfance, quatre styles d’attachement sont observés chez l’adulte : sécure, évitant, préoccupé et craintif. Des études ont démontré que le style d’attachement d’une personne est relativement stable à travers sa vie. Certains événements, comme des traumatismes, de même que des interventions, comme un suivi psychosocial, peuvent influencer son développement. Le style d’attachement serait donc assez stable sans être figé après l’enfance.

Il importe également de préciser que l’attachement se situe sur un continuum ; elle ne s’insère pas dans des catégories distinctes et étanches. Une personne peut donc se reconnaître dans plus d’un style d’attachement. Généralement, un type prédomine.

L’attachement sécure 

Le style d’attachement sécurisant regroupe environ 50% à 55% de la population. Les personnes qui vivent un attachement sécurisant ont typiquement eu un style d’attachement sécurisant pendant l’enfance. Elles ont donc intégré une image positive d’elle-même et de l’autre. Elles se jugent dignes d’être aimées tout en considérant l’autre comme digne de confiance.

Quelques caractéristiques les définissent :

Elles reconnaissent avoir de la valeur et estiment pouvoir reposer sur autrui si elles rencontrent des besoins.

Elles sont confortables dans l’intimité et la proximité émotionnelle.

Elles sont capables d’engagement.

Elles sont capables d’exprimer leurs besoins.

Elles sont capables d’ouvrir sur les problèmes rencontrés et vivre une dispute sans remettre la relation en question.

Elles sont capables de partager leurs opinions.

Elles sont capables de demander de l’aide à leur partenaire et d’en offrir.

Elles sont capables d’introspection et de réflexion par rapport à leur enfance.

Elles seraient plus satisfaites sur le plan sexuel. Elles seraient fidèles et manifesterait du respect ainsi que de l’ouverture à l’autre.

Elles sont capables d’afficher leurs vulnérabilités et de démontrer leur affection à leur partenaire.

L’attachement détaché ou évitant 

Le style d’attachement détaché ou évitant regroupe environ 15% de la population. Il serait plus fréquent chez les hommes que chez les femmes. Les personnes qui vivent ce style d’attachement ont généralement une image positive d’elle-même, mais pas de l’autre. Elles doutent de la capacité d’autrui à répondre à leurs besoins, ce qui peut les amener à éviter de se montrer vulnérables dans leurs relations. Elles ont intégré qu’elles ne peuvent que reposer sur elles-mêmes.

Quelques caractéristiques les définissent :

Elles évitent les relations très intimes.

Elles sont incapables de dépendre de l’autre ; elles cherchent indépendance et autonomie.

Elles sont plus confortables dans les relations distantes dans lesquelles elles se dévoilent peu.

Elles ont appris à éviter les relations intimes pour se protéger des blessures relationnelles.

Elles se dévoilent peu et évitent les conflits.

Elles ont tendance à se retirer des discussions. Elles affirment peu leurs opinions.

Elles ont de la difficulté à ouvrir sur leurs émotions, et ce, même avec leur partenaire.

Elles ont de la difficulté à s’engager dans une relation profonde et réciproque

Elles peuvent avoir peu de souvenirs de leur enfance.

Elles peuvent se montrer hostiles ou rejetantes lorsque leur partenaire force la communication.

Elles peuvent avoir des "blocages émotionnels".

Elles peuvent éviter la sexualité avec leur partenaire.

Elles auraient davantage tendance à s’engager dans des relations sexuelles sans engagement et à être infidèles.

L’attachement préoccupé

Le style d’attachement préoccupé regroupe environ 20% de la population. Il serait plus fréquent chez les femmes que chez les hommes. Contrairement au style évitant, les personnes vivant un attachement préoccupé ont une image positive de l’autre, mais une image négative d’elles-mêmes. Elles ont intégré le sentiment d’être indignes de l’amour de l’autre.

Quelques caractéristiques les définissent :

Elles cherchent constamment l’attention et la validation de l’autre.

Elles présentent une instabilité émotionnelle en relation.

Elles peuvent présenter des signes de dépendance, une peur d’être abandonnées et de ne pas être aimées.

Elles se montrent généralement hypervigilantes aux signes de rejet dans les comportements de l’autre.

Elles peuvent se montrer jalouses.

Elles vivent difficilement seules : elles s’engagent dans une relation dès qu’une autre personne s’intéresse à elles.

Elles ont tendance à demeurer dans des relations insatisfaisantes pour éviter la solitude.

Elles ont tendance à interpréter tout conflit comme signe d’une rupture. Elles peuvent anticiper que l’autre cesse de les aimer.

Elles peuvent se dévoiler de façon excessive avec peu d’écoute pour les besoins de l’autre.

Elles auraient tendance à se montrer anxieuses face à leur performance sexuelle.

Elles accepteraient davantage de comportements sexuels non désirés.

Les femmes auraient tendance à utiliser les relations sexuelles afin d’éviter de perdre leur partenaire

Les hommes auraient tendance à rechercher la réassurance à travers les relations sexuelles. Ils pourraient alors se montrer insistants.

L’attachement craintif

Le style d’attachement craintif regroupe entre 10% et 15% de la population. Les personnes qui vivent ce style d’attachement ont une image négative d’eux-mêmes et de l’autre. Elles ont tendance à se percevoir comme indignes d’amour tout en anticipant le rejet des autres dans lesquels ils ne peuvent avoir confiance. 

Quelques caractéristiques les définissent :

Elles désirent le contact intime tout en ayant peur de la souffrance et de l’abandon.

Elles ont de la difficulté à tolérer la proximité.

Elles sont plus solitaires.

Elles s’affirment peu et se confient peu aux autres.

Elles ont de la difficulté à s’engager dans des relations intimes.

Elles préfèrent entretenir des relations basées sur la sexualité sans engagement.

Elles ont tendance à vouloir maintenir leur partenaire à distance, mais ont le besoin d’être rassurées.

Elles communiquent peu.

Leurs réactions sont souvent inverses à leurs ressentis.

Elles peuvent utiliser la violence pour résoudre les conflits.

Elles auraient un grand besoin de soutien, mais le verbaliseraient très peu.

Elles seraient plus susceptibles de vivre des difficultés sexuelles ou d’utiliser la violence dans les relations sexuelles.

Les impacts

Tel que décrit dans la section précédente, les styles d’attachement des partenaires dans le couple entraînent des impacts sur la proximité émotionnelle, la sexualité, la communication, le soutien mutuel et la résolution de problèmes. Or, selon certains auteurs, les difficultés rencontrées dans le couple prendraient racine dans des émotions de base liées à des enjeux d’attachement.

Une intervention professionnelle centrée sur l’attachement peut donc s’avérer pertinente pour mieux comprendre la dynamique relationnelle et amoureuse dans le couple.

Par exemple :

Des partenaires présentant des attachements évitant et préoccupé pourraient rencontrer des difficultés à comprendre l’autre compte tenu des patrons souvent opposés en situation de conflit, soit la fuite et le rapprochement. Le partenaire présentant un attachement ambivalent pourrait se sentir menacé par le patron de retrait de l’autre engageant ainsi des comportements de rapprochement de plus en plus importants.

Un partenaire ayant un attachement sécure pourrait être importuné par les demandes de rassurance de son partenaire ayant un attachement préoccupé.

Un partenaire ayant un attachement sécure pourrait se retrouver perplexe face à la fuite de la communication de son partenaire ayant un attachement évitant.

L’accompagnement de couple permet de mieux comprendre les comportements de chacun des partenaires et, ainsi, vise à rétablir une relation sécurisante entre ces derniers. Il permet le travail d’introspection nécessaire sur son passé et son présent pour saisir son style d’attachement et ses impacts sur la dynamique conjugale.

RÉFÉRENCES

Bartholomew, K. (1990). Avoidance of intimacy: An attachment perspective. Tournai of Social and Personal Relationships. Z, 147-178.

Bartholomew, K., & Horowitz, L.M. (1991). Attachment styles among young adults: A test of a four-category model. Tournai of Personnality and Social Psychology. £1, 226-244.

Boisvert, M., Lussier, Y., Sabourin, S., & Valois, P. (1996). Styles d’attachement sécurisant, préoccupé, craintif et détaché au sein des relations de couple [Secure, preoccupied, fearful and dismissing attachment styles in close relationships]. Science et Comportement, 25(1), 55–69.

Boisvert, M. (1996). Styles d’attachement sécurisant, préoccupé, craintif et détaché au sein des relations de couple. Mémoire de maîtrise, Québec, Université Laval, Faculté des sciences sociales.

Lorange, Justine. 2011. Modèle de la compatibilité fondé sur l’attachement et la personnalité chez des couples en détresse. Thèse de doctorat, Montréal, Université de Montréal, Département de psychologie.

 

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