LA TRANSITION AU SECONDAIRE
Par Laurence Lavallée, M.Sc. Psychoéducatrice
La transition au secondaire représente une période charnière dans le parcours scolaire d’un enfant et de ses parents. Elle signe, pour plusieurs, la fin de l’enfance et le début de l’adolescence. Elle suscite des questionnements, des inquiétudes, de la hâte et, parfois, de l’anxiété. Comme toute transition, elle peut s’échelonner sur environ deux ans. Il importe donc de considérer ce temps d’adaptation dans la préparation de l’enfant à cette nouvelle étape de son parcours.
L’année scolaire étant maintenant bien avancée, la coupure avec le milieu primaire approche à grands-pas pour les élèves de sixième année. Le présent article vise donc à apporter quelques pistes de réflexion et d’intervention pour favoriser une transition harmonieuse vers le secondaire.
Le stress
Le stress, c’est une réaction du corps face à une menace perçue ou vécue. Lorsqu’il perçoit faire face à un défi menaçant ou qui dépasserait les capacités de la personne, le corps produit des hormones, dont l’adrénaline et le cortisol.
Cette réaction physiologique permet d’avoir de l’énergie pour fuir, combattre ou figer face à ce stresseur. Le stress est donc nécessaire à la vie humaine. Il est aussi tout à fait sain dans certaines situations (p.ex. le stress me propulse à étudier et me préparer pour une évaluation). Il devient nuisible lorsqu’il est trop intense, chronique ou jugé inadapté au contexte.
Le concept de « perception » est central dans le stress : c’est l’interprétation que fait le cerveau qui détermine le stress et non l’événement lui-même. Ceci fait en sorte qu’un défi peut être stressant pour une personne et non pour une autre.
Les recherches tendent à démontrer que 4 ingrédients ou composantes influencent le stress :
Contrôle diminué
Imprévisibilité
Nouveauté
Égo menacé
La transition au secondaire comporte ces 4 ingrédients, ce qui explique pourquoi elle est stressante pour beaucoup de jeunes :
Contrôle diminué
- Les jeunes n’ont pas le choix d’aller ou non au secondaire.
- Les jeunes n’ont parfois pas le choix de l’école fréquentée et du programme dans lequel ils sont inscrit.
- Les jeunes n’ont pas le contrôle sur le fait que leurs amis seront ou non dans leur groupe.
Imprévisibilité
- Ce qui se présente à lui est imprévisible pour le jeune ; il ne sait pas comment se déroulera l’entrée dans sa nouvelle école.
Nouveauté
- Nouveaux amis, nouvelle école, nouvel horaire, nouveau quartier, nouveaux enseignants, nouveaux cours, etc. Il y a beaucoup de nouveauté au secondaire !
Égo menacé
- Les jeunes peuvent douter de leur capacité à se faire des nouveaux amis. Ils peuvent aussi anticiper le jugement des autres.
Quoiqu’inconfortable, il est tout à fait normal de vivre du stress face à la transition primaire-secondaire. Dans la plupart des cas, il n’y a pas lieu de s’inquiéter. Le stress représente une réaction normale du corps face à la « menace » qu’il perçoit. Le jeune continue alors de bien fonctionner dans son quotidien.
Or, dans certains cas, il en découle une détresse significative ou des impacts sur le fonctionnement du jeune. Des signes peuvent représenter un indicateur qu’il serait important pour le jeune de demander de l’aide :
Perturbations du sommeil
Perturbations de l’appétit
Humeur dépressive
Repli sur soi
Isolement
Repli dans les réseaux sociaux
Comparaison excessive à ses pairs
Dévalorisation de soi
Changements majeurs et persistants dans le comportement
Perfectionnisme excessif
LE SOUTIEN DES PARENTS
Le soutien des parents
Bien que les enfants, maintenant adolescents, demandent et requièrent plus d’autonomie, ils ont toujours besoin de leurs parents ! L’accompagnement des parents à travers la transition au secondaire représente un facteur de protection important. Quelques pistes peuvent donc être investies par les parents afin d’agir des piliers sécurisants pour l’enfant.
Informez-vous
Pour lui, ce qui s’annonce est nouveau et inconnu. Or, savoir que vous savez ce qui l’attend peut rassurer votre enfant. Soyez toutefois honnête : lorsque vous n’avez pas la réponse à sa question, dites-le-lui. Tentez de trouver une façon d’y obtenir une réponse avec votre enfant.
Quelques questions typiques des jeunes :
- Qu’est-ce que je fais si je ne trouve pas mon local ?
- Si je ne vais vraiment pas bien, est-ce que je peux aller voir quelqu’un ?
- Est-ce qu’il y a plein de drogues au secondaire ?
- Est-ce qu’il y a plein de bagarres au secondaire ?
- Qu’est-ce qu’on fait pendant les pauses ?
- Et si je me perds dans l’école, qu’est-ce que je fais ?
Connaître les services accessibles à son école peut aussi rassurer votre enfant. Les services peuvent varier d’une école à l’autre :
- Éducateurs spécialisés
- Guide-élève
- Psychoéducateur
- Psychologue
- Orthopédagogue
- Conseiller en orientation
- Intervenant en toxicomanie
- Infirmier
Quelques informations pour les élèves handicapés ou en difficulté d’adaptation ou d’apprentissage :
- Si votre enfant présente des besoins particuliers, s’il a un plan d’intervention/plan d’aide ou s’il recevait des services professionnels au primaire, son dossier d’aide est transféré automatiquement au secondaire public.
- Pour le transfert au secondaire privé, vous devez en faire la demande.
- Les intervenants du secondaire prendront connaissance du dossier et des besoins.
Miser sur le positif
Entendre vos récits positifs et drôles du secondaire peut rassurer votre enfant sur le milieu et lui donner le goût d’y aller. Si votre parcours au secondaire vous paraît vague ou que vous en retirez des souvenirs plutôt négatifs, n’hésitez pas à recourir à une personne de votre entourage pour en parler positivement à votre enfant.
Constamment parler des risques, des aspects négatifs et des inquiétudes tend à contribuer au stress et à l’anxiété. Soyez tout de même réaliste. Dire à l’enfant qu’il ne vivra aucun défi ou qu’il vivra la plus belle année de sa vie est aussi peu aidant que le bombarder des risques !
Quelques pistes pour engager une conversation centrée sur le positif :
De quoi as-tu le plus hâte ?
Qu’est-ce qui t’intéresse le plus au secondaire ?
Dans quel parascolaire aimerais-tu t’inscrire ?
Qu’est-ce que tu pourras faire au secondaire que tu ne pouvais pas faire au primaire ?
Comment entrevois-tu la liberté que tu auras au secondaire ?
Qu’est-ce que tu pourras faire pendant le dîner au secondaire ?
Es-tu content(e) d’avoir des pauses plutôt que des récréations ?
Soyez accueillant
Votre enfant aura des craintes avant et après son intégration au secondaire. Ses craintes ne seront pas les mêmes que les vôtres. Même si elles vous apparaissent banales, votre enfant aura besoin de votre écoute plutôt que de votre jugement.
Même si votre enfant grandit et qu’il ressemble de plus en plus à un adulte, son développement affectif et émotionnel ainsi que son niveau de maturité ne correspondent pas à ceux d’un adulte. Les dernières recherches démontrent que la maturation de son cerveau se complèterait vers la fin de la vingtaine ! Il est donc normal que votre adolescent vous apparaisse comme une montagne russe d’émotions !
Lorsqu’il vous parle de ses émotions, un réflexe pourrait être de tenter de le rassurer. Par exemple, « ben non, ne t’en fais pas », « ça n’arrivera pas, ne pense pas à des affaires de même », « tu devrais être heureux de t’en aller dans une belle grande école ».
Ce type de phrases se voulant rassurantes tendent à invalider le vécu de l’enfant, qui a besoin de se sentir validé et écouté par une personne de confiance.
Des exemples
Et si je me perds?
Et si j’ai un gros bouton à la photo ?
Et s’il pleut et mes cheveux gonflent à la première journée ?
Et si je me trompe de local ?
Et si je ne me fais pas d’amis ?
Comment accueillir ?
Refléter l’émotion : tu me sembles inquiet
Valider l’émotion : c’est normal que tu sois inquiet
Ouvrir la discussion : veux-tu qu’on s’en parle ?
Sonder les besoins : de quoi as-tu besoin ? (parler, trouver des solutions, etc.)
Accompagner l’enfant à se préparer
Plusieurs inquiétudes des enfants portent sur la nouveauté et l’imprévisibilité. Se pratiquer est donc une intervention favorable pour augmenter le sentiment d’autoefficacité personnelle et apaiser le stress.
Des exemples :
- Demandez-lui de faire chauffer son plat au micro-ondes à la maison afin qu’il soit habile de le faire une fois à l’école.
- Accompagnez-le à planifier un horaire pendant l’été. Il apprendra à se fixer des priorités et à organiser son temps (p.ex. faire son lit avant de profiter de la baignade).
- Si votre enfant est timide face aux nouvelles connaissances, encouragez-le à s’adresser aux commis dans les magasins. Il développera sa capacité à surmonter sa gêne, ce qui lui sera utile à la rentrée où il devra aborder des adultes qu’il ne connaît pas.
- Si votre enfant est inquiet de prendre l’autobus, organisez une sortie en transport en commun. Il expérimentera l’action de prendre l’autobus pour se rendre d’un lieu à un autre.
- Si votre enfant est inquiet par rapport au transfert d’autobus, visitez l’endroit du transfert et expliquez-lui le déroulement.
- Si votre enfant craint d’arriver en retard ou de ne pas se réveiller le matin, mettez en place une routine une à deux semaines avant la rentrée. Il s’adaptera à son heure de réveil et à sa nouvelle routine du matin.
- S’il se rend à l’école à pieds ou que vous le reconduisez à l’école, pratiquez-vous en exerçant la routine jusqu’à ce qu’il ait les deux pieds sur la cour. Il connaîtra alors son temps de préparation et de transport.
- Pratiquez-vous à ouvrir un cadenas.
Soyez tolérants tout en étant vigilants
La transition primaire-secondaire représente une rupture dans la vie de votre enfant. En plus de connaître des changements liés à la puberté, il perd les repères de son environnement physique et social.
Chaque enfant s’adapte à son rythme et il est important de le respecter. Votre enfant mobilise toutes ses ressources pour s’adapter à son intégration au secondaire. Il est donc normal qu’il ne puisse pas fournir son plein potentiel dans tous ses domaines de vie. Laissez-lui le temps de s’adapter tout en demeurant à l’affût d’une éventuelle augmentation de ses difficultés.
La transition vers le secondaire peut entraîner des impacts sur le fonctionnement de votre enfant, par exemple :
- chute des résultats scolaires
- déclin du degré de satisfaction à l’égard de l’école
- chute des attitudes positives envers les matières scolaires
- réactions négatives envers les enseignants
- chute de la motivation dans les activités parascolaires
- déclin de l’estime de soi.
Tandis que certains impacts seront transitoires, le maintien de difficultés dans le temps peut représenter un signe que votre enfant a besoin d’une aide supplémentaire.
Et après la rentrée
Demeurez à l’affût des signes pouvant indiquer que votre enfant éprouve des difficultés plus importantes.
Les adolescents sont plus portés à se tourner vers leurs amis pour parler de leurs difficultés ou de leurs bons coups. C’est normal et sain. En tant que parent, il est important de demeurer vigilants pour observer les changements chez votre enfant et les aborder avec lui.
Gardez à l’esprit que l’adolescence implique de grands bouleversements, dont la puberté, les relations amoureuses ou bien l’augmentation de l’autonomie, des responsabilités et de la pression associée aux résultats scolaires.
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